Le recueil du témoignage d’un rescapé s’inscrit dans un temps important pour ce dernier : il se livre dans le cadre d’une « mission » de transmission, et attend empathie et fiabilité de ceux à qui il a donné sa confiance et ceux avec qui il a préparé cette rencontre. Ainsi, l’accueil du témoin-rescapé dans l’établissement doit-il se faire dans des conditions réfléchies et optimales de considération et d’écoute. Les engagements pris lors de la réunion de préparation doivent être tenus. L’équipe enseignante ou l’enseignant doit garder à l’esprit qu’un établissement scolaire est un espace intimidant : peu connu, fonctionnement selon des règles et des habitus inconnus, chargé d’une puissance symbolique forte (transmission, apprentissage des plus jeunes) et lieu de massacre parfois lors du génocide en 1994.
A l’arrivée du témoin-rescapé et de la personne qui l’accompagne dans l’établissement, la présence d’une « délégation » composée de l’enseignant et des élèves est tout à fait la bienvenue pour accueillir le témoin-rescapé ainsi que la présence d’un personnel de direction dans la mesure du possible. Si cela n’a pas été fait le jour de la réunion de préparation, il est bon de prévoir une visite de l’établissement, éventuellement d’une exposition ou d’un présentoir d’ouvrages mis à la disposition des élèves portant sur le génocide contre les Tutsi au Rwanda au CDI. Cette étape permet au témoin-rescapé de mettre à distance la puissance symbolique et physique de l’environnement scolaire (et potentiellement diminuer son éventuelle appréhension).
Concernant le lieu de la rencontre : ce dernier doit être pensé lors de la réunion de préparation pour que tout soit prêt le jour du témoignage en classe y compris un rétroprojecteur dans le cas où le témoin-rescapé souhaite projeter quelque chose à l’écran (carte du Rwanda, photos, vidéos, réalisations artistiques). Les élèves peuvent être invités à s’investir dans la mise en place du lieu de la rencontre qui pourra être aussi bien une salle de classe, un amphithéâtre, le CDI ou tout autre salle qui convient à l’ensemble des participants. Il en va de même pour la disposition de la salle : quand certains préfèrent une disposition classique de salle de classe, d’autres préfèrent une disposition en arc de cercle. Ceci aura été discuté lors de la réunion de préparation.
Le temps de la rencontre est pensé sur le format de deux heures qui semble le plus approprié mais il revient au rescapé de définir, lors de la réunion de préparation, le temps qu’il souhaite consacrer au témoignage. Un temps de pause peut également être suggéré.
Dans un premier temps, l’enseignant médiateur présente le témoin-rescapé, les raisons de sa présence et introduit le déroulé de la rencontre. Il présente également la classe. Si la taille du groupe le permet, il est tout à fait envisageable de faire un tour de présentation afin de rendre chaque élève acteur de la rencontre. Le regard du rescapé se pose alors sur chacun des membres de son auditoire. Cette possibilité peut être envisagée lors de la réunion de préparation en accord avec le rescapé. Cette étape de présentation est absolument essentielle : elle doit rapprocher le trinôme qui se forme alors et qui sécurise les uns et les autres. L’enseignant, dans sa prise de parole, interpelle les élèves sur la valeur de la rencontre sans les contraindre. Il met en valeur le témoin sans l’écraser sous une pression trop importante.
Durant la rencontre, l’enseignant comme médiateur reste toujours à portée de voix et de vue du témoin-rescapé et des élèves (qui peuvent être encadrés par d’autres adultes référents). Il est attentif au récit du témoin qu’il peut rassurer, relancer. Il est attentif à l’enchainement des questions posées par les élèves, à l’attitude des élèves à qui il aura rappelé que si une émotion violente est suscitée par le témoignage, elle est compréhensible. Il distribue plus largement la parole des élèves et les aident, au besoin, pour la formulation de leurs questions. Si un dispositif d’enregistrement est mis en place (avec l’accord du témoin-rescapé), il doit être le plus discret possible pour ne pas indisposer le témoin, ni l’écoute des élèves.
Les élèves qui le souhaitent prennent des notes : soit sur feuille libre, soit sur une fiche préparée en amont par l’enseignant (chronologique ou thématique : souvenirs évoqués, rappels du cadre historique du génocide, place de la famille, description des victimes, bourreaux, etc.).
Après le témoignage, les enseignants et élèves peuvent remercier le témoin-rescapé et s’entretenir plus individuellement avec lui si ils le souhaitent. A l’issue de la rencontre, ils seront invités à réaliser une production artistique en lien avec cette expérience du témoignage en classe.